Louis Piérard

Borain

 

Francophile

 

Wallon

 

Belge

 

Citoyen dumonde

 

L’enfance    Portrait de l’homme    Le politique    Le polyglotte   

Le nomade    Le journaliste    Le conférencier   

L’écologiste avant la lettre    L’Animateur au service des Arts

L’homme de lettres   L’homme d’action    L'arrivée de Louis Piérard à Bougnies

Le Centre de Délassement et de loisirs    Le théâtre de plein air

 

L’enfance

Louis Piérard naît le 7 février 1886 à Frameries, au sein d'une famille modeste.

 

La famille de Louis Piérard

Ses deux grands-pères étaient ouvriers mineurs, l’un s’étant élevé jusqu’au grade de porion.

Il est l’aîné de quatre enfants, fils de Firmin, artisan boucher,

qui deviendra bourgmestre de Frameries.
Il grandit parmi les mineurs du Borinage.
Il fréquente l'Athénée royal de Mons, où il se révèle un brillant élève.

 

Portrait de l’homme


La silhouette un peu trapue, la mèche rebelle, la paupière un peu bridée, le regard clair,

perçant, le menton énergique, la voix forte, le geste prompt.
Un chapeau placé de guingois, un foulard noué négligemment autour du cou,

un subtil et cordial sourire aux lèvres. Un abord chaleureux, un esprit sans détour.
Il déteste l’ampoulé et prise avant tout l’ironie et l’humour.

 

Buste de Louis Piérard


Le politique

Jeune écolier déjà, il va lire, au coin des rues, à haute voix, « l’Echo du Peuple »

pour les analphabètes de son village. A seize ans, on le hisse sur les tables de café

pour répandre la bonne parole, celle de ceux qui luttent pour le suffrage universel.
Encore adolescent, Louis Piérard prend part à des « métingues » que l’on organise dans les corons.
Il est attaché à la démocratie parlementaire.
Il a une répulsion profonde pour toute forme de violence.
Il rejette toute forme d’extrémisme.
Le pacifisme et l’antimilitarisme demeurent le fondement de sa pensée et de son action.

Il opte pour ce qu’il appelle le « pacifisme pratique » et cite Jaurès :
« si tu veux éviter la guerre, prépare la paix ».
Louis Piérard pense que le message d’émancipation du socialisme concerne tout autant

les intellectuels, les petits commerçants, les agriculteurs que les prolétaires de l’industrie.
Le 16 novembre 1919, il est élu député de Mons dans la mouvance socialiste.
« Il est l’auteur de textes législatifs efficaces et précis, qui sont la démonstration éclatante

de sa parfaite aptitude à une action constructive que son imagination d’artiste portait

plus haut et plus loin que la courte vue des « réalistes ». » (Georges Bohy)
En 1920, la première proposition de loi déposée par le jeune député a en vue

la glorification d’un soldat mort non identifié :
« Qu’un soldat belge inconnu, pris au hasard, soit ramené à Bruxelles et qu’il soit placé

dans un sarcophage de pierre ou de bronze simple de ligne devant le Palais de Justice »
La proposition sénatoriale qui sera retenue placera le Soldat Inconnu

sous la Colonne du Congrès, symbole de la Belgique unitaire.
C’est un grand parlementaire qui déborde d’idées et d’initiatives.
Il s’intéresse aux multiples aspects de ce que l’on dénomme aujourd’hui la politique culturelle :

à la protection du patrimoine artistique, à l’urbanisme, aux manuels scolaires,

à l’administration des Beaux-Arts, au statut de la Radio-Diffusion, aux métiers d’Art,

aux bibliothèques publiques, à la protection des monuments et sites…
Il est membre de la Commission permanente de l’Instruction publique.
En 1929 il fait voter la loi instituant

« l’œuvre nationale de l’éducation populaire pour les loisirs du travailleur ».
Il combat par la parole et par la plume le fascisme et le nazisme.

Il s’attache à sauver leurs victimes. Ardent défenseur de tous les exilés,

il obtient pour eux le droit d’asile en Belgique et leur naturalisation

quand c’est possible. Il veut pour son pays un rôle de terre d’accueil.
De 1932 à 1940, il est Président de la Fédération boraine du Parti Ouvrier Belge.
Il préside le Conseil Supérieur de l’Éducation Populaire

et de l’Office National des loisirs du travailleur.
Il préside l’Association de propagande artistique à l’étranger et l’Office National des Musées.


Le polyglotte

En rhétorique à l’Athénée de Mons, il remporte le prix national de néerlandais.
Il a une connaissance approfondie de plusieurs langues étrangères :
Le néerlandais, l’anglais, l’espagnol, l’allemand, l’italien.


Le nomade

« Je suis un pigeon voyageur qui revient toujours au colombier »
Louis Piérard voyage beaucoup.
On le retrouve comme reporter aux États-Unis, au Canada, en Tchécoslovaquie, au Mexique,

au Pérou, en Argentine, en Afrique du Nord, au Congo Belge, en Asie mineure...
Ses souvenirs feront l'objet de plusieurs volumes, comme « Films brésiliens »,

en 1921, reportage, et « Rimouski-Puebla », du Canada au Mexique, en 1931.

 

Louis Piérard en Égypte


Le journaliste

A vingt ans, Louis Piérard entre à l’ « Avenir du Borinage » puis au « Journal de Charleroi »,

à la « Meuse », au « Soir ». Il est correspondant du « Temps », du « Monde »,

de la « Dépêche de Toulouse », du « Times » et du « Daily News »,

de journaux suisses et même de la « Prenza », journal argentin.

Il achève sa carrière journalistique comme rédacteur au « Peuple ».
Louis Piérard collabore à de nombreux journaux et périodiques,

comme le « Thyrse », l’ « Art moderne »,

la « Société nouvelle », le « Pourquoi pas? ou le « Mercure de France »,

mais aussi à des publications étrangères.

En 1911, il crée sa propre revue, l'hebdomadaire illustré et humoristique le « Passant ».

 

Revenu au « Soir » en 1918,

en uniforme de correspondant de guerre de l’Associated Press

Le conférencier

A onze ans, Louis Piérard prend, pour la première fois, la parole en public.

Il récite deux monologues de Bosquetia et reçoit en récompense… un porte-plume.
Quatre ans plus tard, il prononce son premier discours, politique celui-là.
Il tient sous le charme de sa voix prenante et de sa parole vive, des auditoires ravis,

que ce soit pour leur parler de Walt Whitman, de la chanson populaire,

de Charles Deulin, de Zola, de Verhaeren, de Maeterlinck,

de Romain Rolland, de pays lointains, de mille sujets que son éloquence enrichit.
Lors d’une conférence à l’Institute of Politics de Williamstown

dans le Massachussets (U.S.A.) en août 1928, il déclare :
« La Belgique est plus qu’une simple création artificielle de la diplomatie :

c’est une forte et vivante réalité »

 

Discours de Louis Piérard  

L’écologiste avant la lettre

Toujours, Louis Piérard fut passionné de bois de parcs, de forêts.
En 1909, il publie « Aimons les arbres » (éditions Dufrane-Friart à Frameries),

une anthologie de textes évoquant la magie de la nature, de Ronsard

aux auteurs contemporains tels Verhaeren, Paul Fort, Francis Jammes, Colette,...)
Il sauve le bois de Colfontaine menacé par un projet industriel. Il en dit :
« C’est non seulement l’unique appareil respiratoire du noir pays borain,

mais un endroit charmant tout plein de souvenirs historiques, littéraires ou de légendes »

(Louis Piérard « Aimons les arbres , 2ème édition, Frameries 1910, p. 205)
Le 17 mai 1986, un sentier portant le nom de Louis Piérard a été inauguré dans le bois de Colfontaine.

 

Le sentier Louis Piérard dans le bois de Colfontaine


L’Animateur au service des Arts

Louis Piérard est amoureux de la beauté sous toutes ses formes, éclatantes ou cachées.
Il la voit aussi bien sur une cime de l’Atlas que sur un terril borain,

sur un canal vénitien que sur l’aile argentée d’un avion.
Toute sa vie il dépense une grande partie de son énorme et incessante activité

à la gloire de la peinture et de la poésie, des artistes et des poètes.
Pour lui, l'art revêt une signification sociale: il doit aider à promouvoir l'éducation du peuple,

ce qui ne va pas sans un engagement personnel.
En 1906, il a vingt ans. Sur le modèle de Jules Destrée à Marcinelle,

il crée à Frameries une Université populaire, la deuxième du pays.

Il organise une exposition de peinture dans le grenier de l’école communale.

Il y accroche de grandes toiles amenées de la gare à l’école dans la charrette de son grand-père.
Il organise les premières expositions d’art belge à l’étranger.
En 1932, il fonde l’œuvre nationale des Beaux-Arts.
En 1938, il est à l’origine de l’asbl « Art et Industrie », qui œuvre en faveur du renouveau

de l’Artisanat d’Art en Belgique. On lui doit le tombeau de Verhaeren

au bord de l’Escaut et la sauvegarde de sa maison champêtre à Angre ruinée par la guerre de 1914.

 


Émile Verhaeren et sa maison en arrière-plan

« Louis Piérard était l’ami des artistes. Dans la rubrique des arts au journal « Le Peuple »

et dans diverses commissions, il prenait leur défense. Par son talent d’écrivain il tentait de faire aimer

les œuvres qu’il défendait, ne perdant pas son temps à aligner des mots méchants pour blesser

les artistes dont l’art ne s’accordait pas à sa sensibilité. N’étant pas vaniteux,

il ne se croyait pas infaillible et respectait le travail quel qu’il soit. »

(Léon DEVOS)


L’homme de lettres

Vous avez dit « prolixe » ?
Il est à la fois conteur, folkloriste, poète, critique d’art, biographe, historiographe.
On lui doit…
· 9 recueils de poésie (de 1907 à 1945)

(« London sketches », « Images boraines », « De flammes et de fumées »,…)
« une poésie douce et familière, émue devant l’homme et les paysages de sa région natale. »
· 13 ouvrages en prose (de 1913 à 1946) dont des récits de voyages.
« On a volé l’Agneau Mystique », basé sur un fait réel, est son seul roman.
« La Vie tragique de Vincent Van Gogh », 1924
Louis Piérard est le premier auteur à écrire un ouvrage sur Vincent Van Gogh :
Il y dépeint la passion de l'absolu qui dévore l'artiste et la lente évolution de sa personnalité

sauvage et solitaire. Cette biographie a été traduite en plusieurs langues et demeure considérée

comme une référence : Louis Piérard a interrogé ceux qui avaient connu le pasteur protestant.

Il a mis ses pas dans ceux de l’illustre peintre. Il l’a suivi depuis la maison de Cuesmes

en passant par Wasmes jusqu’à Paris, Auvers, Arles et la triste cellule de Saint-Rémy en Provence.
Il a recueilli ainsi des témoignages uniques, qui ont été repris par tous les biographes

du maître hollandais dans le monde.
« Les Trois Borains », 1925
Louis Piérard, conteur plein de tendresse et d’imagination signe ici un recueil de nouvelles

au style vigoureux et précis. Il est imprégné dans toutes ses fibres par son terroir natal.
L’homme est un régionaliste en même temps qu’un grand voyageur, un curieux régionaliste

qui touche l’universel avec tout son cœur.
· des traductions (il a traduit du néerlandais un roman de Van Schendel,

de l’anglais une comédie de Drinkwater, de l’espagnol une Thérèse d’Avila,…)
· 6 volumes de critique d’art
· d’innombrables « papiers »…
Rik Wouters, Constantin Meunier, Édouard Manet, Pierre Paulus, James Ensor,

Constant Permeke, Félicien Rops bénéficieront de ses talents d'observateur.
Il crée en 1922 l’une des premières sections du Pen Club international.

Il est, pendant vingt-cinq ans, le président et l’animateur de ce Pen Club belge.
Le 13 mars 1948, il est le premier Borain reçu à l’Académie royale de Langue

et de Littérature françaises (créée par Jules Destrée).

 

Piérard l'Académicien congratulé par Roger Toubeau


L’homme d’action

Louis Piérard a le souci permanent d’adapter l’idéal aux contraintes du réel :
« Vaut mieux un mouchon din s’main que deux su l’haye »
« Louis Piérard pouvait travailler en Commission à la Chambre des députés le matin,

siéger l’après-midi, passer à son journal, donner une conférence le soir ou assister

à une première au théâtre, et partir à Paris avec le train de nuit ».


L'arrivée de Louis Piérard à Bougnies

Louis Piérard s’installe à Bougnies en 1931 dans une petite maison achetée

à l’une de ses connaissances (le garde champêtre Emile Grégoire), au n° 10 de la rue des Rocs.
A l’avant se trouve une terrasse qu’il restaure à son arrivée.

 

 

Ce croquis préparatoire réalisé le 29 août 1936 par le peintre montois

Arsène Detry  (1897-1981) montre la vue que pouvait avoir

Louis Piérard depuis la terrasse de sa « maison de campagne. »

 

Louis Piérard a alors 45 ans.

C’est un homme politique connu et influent du courant socialiste dans le Borinage.
Il a déjà effectué de nombreux voyages à l’étranger, côtoyé de grands hommes,

défendu de grandes causes… Pourquoi choisit-il de s’installer dans cet endroit

et surtout dans une habitation modeste ? Il en dit :
« J’habite une bicoque de paysan dont les vieilles poutres s’infléchissent de façon inquiétante.

La maison est petite, mais située de façon si agréable ! Comme on dit à Frameries :
« Si on fait cuire un sauret su l’gril, l’queue passe pa l’huche. »

Il s’agit en fait d’une résidence secondaire. Quand il n’est pas en voyage à l’étranger,

Louis Piérard réside à Forest, avenue Victor Houzeau. Il séjourne à Bougnies pendant les mois d’été.

Néanmoins sa femme et ses trois filles demeurent souvent plus longtemps dans cette petite maison.

 

 



Louis Piérard livre son « coup de cœur » pour Bougnies :
« Bougnies, c’est l’oasis, l’île heureuse, le havre de paix et de fraîcheur

entre deux géhennes industrielles… Je suis venu planter ma tente dans ce village de cultivateurs,

de frontaliers et de mineurs fidèles à la paix des champs.

C’est ici que je viens faire ma cure annuelle de méditation, d’isolement et de travail littéraire. ».
(Revue socialiste n°7, septembre 1939)
Depuis 1830, la commune avait eu comme bourgmestres des gens d’une même famille.

Louis Piérard s’empare de l’écharpe de mayeur en 1932 avec… six voix d’avance !
Durant ses absences, il délègue son pouvoir au premier échevin, Léon Delplanque.

Il lui demande de « pratiquer une politique de concorde, de surmonter en tout

les ressentiments et d’administrer la commune dans l’intérêt de tous. »

 


Le Centre de Délassement et de loisirs

Dès son accession au poste de bourgmestre vient à Louis Piérard l’idée de créer

un centre de délassement et de loisirs destiné à la population de l’ensemble du Borinage
« Nous ferons de Bougnies un des hauts lieux de l’éducation populaire,
un centre de culture qui contribuera à augmenter encore la dignité ouvrière »
« Pendant leurs heures de loisir ou leurs congés, les travailleurs, s’ils ne voyagent pas,

doivent déserter les corons empestés et se retremper au sein de la belle nature.

Ils doivent changer d’air et de décor, se dépayser. »
Il en délimite l’emplacement :
« Un hectare 30 de prairies à flanc de coteau, bordée de hauts peupliers flexibles,

avec un vieux moulin et une haute chute d’eau, tout cela d’un pittoresque étonnant. »
Il faut que Louis Piérard use de tout son art de diplomatie pour trouver les fonds nécessaires

et vaincre les oppositions. L’architecte liégeois Marcel Chabot réalise les plans d’aménagement.

 


Le centre de délassement et de loisirs comprend :
Un bâtiment contenant une auberge de jeunesse avec quatre-vingt lits, un café restaurant,

un petit musée du terroir, une plaine de jeux et de sports pour adultes et enfants,

un étang pour la pêche à la ligne et un théâtre de plein air.

 

L'auberge de jeunesse


Le théâtre de plein air


Il a fallu biaiser pour obtenir les subsides : les plans du théâtre ont été baptisés

« Plateau de gymnastique ». Louis Piérard a fait tailler les gradins

de l’amphithéâtre par de jeunes chômeurs. Ils peuvent accueillir mille personnes.
L’artiste Dolf Ledel crée la sculpture “Vivre” qui orne toujours la scène du théâtre.

 

L'inauguration du Théâtre de Verdure


La cérémonie inaugurale a lieu le 6 août 1939 sous un soleil radieux.

Le public est venu en masse. Sur la scène, on note la présence de deux ministres,

de politiciens, de nombreux artistes peintres, de musiciens, de sculpteurs,

d’hommes de lettres et du Prince Eugène de Ligne.
Les événements de mai 1940 freinent les activités du centre.

Après la guerre les activités reprendront de manière régulière.

La mort brutale de Louis Piérard le 3 novembre 1951 à Paris marque un coup d’arrêt fatal

au centre de culture et de loisirs de Bougnies.

 

 

Louis Piérard est enterré au cimetière de Frameries

auprès de son épouse Marguerite Fauconnier.